La sélection des clichés présentée ici est issue d'un travail sur l'histoire des paysages et leurs dynamiques contemporaines dans les Pyrénées, entrepris depuis une quinzaine d'années. L'objectif initial de l'étude a été centré avant tout sur les dynamiques des paysages ruraux, forestiers et pastoraux en montagne, ce qui explique l'inégale répartition des séries photographiques disponibles sur l'Ariège.
Deux types de paysages sont en effet peu représentés dans ce document : les paysages des plaines et collines du piémont ; les paysages urbains. La recherche et la collecte des sources disponibles sur ces secteurs ont été peu poussées jusqu'à présent, et le travail entrepris depuis un an pour combler la lacune a été trop bref. Il n'a pas été possible de répéter tous les nouveaux clichés inventoriés, ni de réaliser les travaux de terrain et d'analyse paysagère nécessaires pour pouvoir réellement les exploiter.
La carte hors-texte montre l'inventaire des sources disponibles sur l'Ariège et l'état actuel de leur traitement (séries photographiques en cours ou non). On y voit clairement les secteurs qui ont été privilégiés dans le déroulement passé des recherches (vallée de l'Ariège, Vicdessos), les régions où le travail est en train de se développer (Couserans) et celles où rien ou presque n'a encore été entrepris (plaines et collines du piémont, Plantaurel, Petites Pyrénées, villes).
A coté des vides, des concentrations de clichés correspondent à des secteurs où des recherches spécifiques ont été approfondies : certains sites pastoraux (col de Port-Barguilière, par ex.), des lieux d'étude sur les risques naturels (Salau, par ex.) ou des études locales (Biros, Vicdessos).
Cependant, cette carte ne révèle pas seulement l'état des travaux en cours ; elle est aussi représentative de la disponibilité réelle des sources, telle qu'elle apparaît après de multiples sondages dans les archives photographiques. En effet, pour des raisons diverses, la vallée de l'Ariège et les vallées adjacentes ont visiblement focalisé l'intérêt de nombreux photographes. L'axe de communication (route nationale, chemin de fer) a facilité l'accès, et l'on y trouve beaucoup de cartes postales, bien sûr, mais aussi des collections de naturalistes, géographes, touristes, forestiers, qui ont beaucoup moins fréquenté le reste du département.
Le Couserans, moitié occidentale de la montagne ariégeoise, a été beaucoup moins photographié, par exemple, ce qui est d'ailleurs parallèle à une plus grande pauvreté en études et documents écrits. Toute la zone des pré-Pyrénées (Plantaurel, Petites-Pyrénées, Pays d'Olmes, Séronnais, bas Salat, etc.) a été peu photographiée, à l'exception des villes et de certains sites comme le Mas d'Azil et des villes. Quant aux coteaux et aux plaines, c'est pour l'instant un véritable désert d'images : à part des cartes postales, peu nombreuses, presque aucune autre source n'a été inventoriée. Tout ceci reste bien entendu suspendu à la découverte de nouvelles collections : un fonds de quelques centaines de photos, géographiquement ciblé, peut suffire à combler les trous.
L'organisation de la présentation des clichés dans ce rapport est donc fonction de la disponibilité des sources et de l'existence de travaux sur le paysage, et non pas d'une typologie préalable des paysages ariégeois.
On a alors choisi une présentation par ensembles géographiques, calqués sur des divisions "valléennes" pour l'essentiel, mais qui regroupent souvent des vallées ou régions habituellement individualisées. Par exemple, le petit nombre de clichés significatifs dans l'Ouest du Couserans, sur toute la partie moyenne du bassin du Lez, a amené à regrouper dans un seul ensemble "Castillonnais" les vallées du Lez, de la Ballongue, de Bethmale, tandis qu'une plus grande abondance permettait de garder son unité au Biros.
Une autre présentation aurait été possible : par thèmes paysagers (villes, villages, terroirs, pâturages, forêts, etc.) ; son inconvénient aurait été une disproportion trop forte entre les divers thèmes, un amalgame entre des sites éloignés et une certaine confusion des lieux. La présentation par divisions géographiques permet au contraire de conserver une logique d'approche et de connaissance du terrain : la présentation des clichés est généralement faite en fonction d'une progression d'aval en amont.
On retrouvera bien entendu des redites d'un ensemble à l'autre, mais les divisions recoupent cependant des types de dynamiques paysagères, qui sont assez caractéristiques d'un ensemble à l'autre. Le classement choisi a été le suivnant :
- Plaines et collines du Terrefort. Il s'agit des zones agricoles intensives, où le paysage rural est relativement stable dans ses grandes formes. Les dynamiques contemporaines les plus nettes correspondent, d'une part, à l'expansion urbaine et pavillonnaire autour des villes et villages, ainsi que le long des routes, et d'autre part à diverses mutations des systèmes de culture (remembrement, nouvelles cultures). Les clichés anciens, peu nombreux, ne sont pas très utiles pour rendre compte de ces dynamiques : les photographes se sont surtout intéressés aux noyaux villageois anciens, qui n'évoluent guère, tandis que les lotissements, équipements, zones d'activités, se retrouvent en général à l'écart. Dans les terroirs, les nouveautés qui imprègnent fortement le paysage, que sont la généralisation du tournesol, du maïs et du colza au détriment des céréales classiques et des prairies, sont invisibles ou presque à partir de clichés en noir et blanc.
La ville de Pamiers, pôle urbain de cette région, a vu pour sa part son paysage changer notablement avec la disparition des anciens hauts-fourneaux.
- les pré-Pyrénées et les bassins du piémont. Du bas-Salat jusqu'au pays d'Olmes, la région sous-pyrénéenne s'individualisait par un type d'agriculture intermédiaire entre le Terrefort et la montagne, et qui avait mieux résisté que celle-ci à l'exode rural. Elle correspond aujourd'hui à un des secteurs où l'abandon des terroirs et l'enfrichement s'accélèrent le plus vite. Historiquement, le paysage rural y est relativement récent : cette zone ne fut peuplée qu'à partir du Moyen Age, et l'on y rencontre de nombreuses bastides. La forêt est importante dans ce paysage compartimenté qui alterne coteaux abrupts, petites montagnes et vallées.
Aux extrémités, deux petits centres urbains ont connu une expansion au XX° siècle : St Girons et Lavelanet. Comme à Pamiers, l'ancien paysage industriel de cette dernière ville a beaucoup changé dans les dernières décennies, à la suite de la crise du textile.
- le Castillonnais. L'économie rurale des vallées du Castillonnais, largement ouvertes et aux pentes assez modérées, fut basée jusque dans les années 1950 sur polyculture qui a induit un paysage varié : cultures, prairies bocagères, vergers, vignes. Les villages y sont groupés et de belle architecture. Il s'y est conservé jusqu'à aujourd'hui un paysage encore relativement bien maîtrisé, mais l'agriculture traditionnelle a disparu et seul subsistent les terroirs de prairies. L'enfrichement, qui a débuté dans les années 1940-50 sur les versant nord, tend à s'aggraver et à gagner largement les soulanes alors que le population rurale vieillit et que le nombre d'agriculteurs diminue : le passage de nouveaux seuils d'évolution semble probable à courte échéance.
- le Biros. Dans le haut bassin du Lez, le Biros présente un aspect de vallée montagnarde encaissée et forestière. Le paysage agro-pastoral a pratiquement disparu au cours des cinquante dernières années, à l'exception de quelques petits terroirs isolés. La masse compacte des hêtraies est devenue aujourd'hui le paysage dominant, mais quelques autres éléments individualisent le Biros dans l'ensemble du Castillonnais : les vestiges des exploitations minières d'altitude, paysage très original mais en voie de dégradation rapide ; la profusion des granges et hameaux, d'un style particulier lié aux matériaux locaux ; les hauts pâturages de la chaîne centrale, élevés, abrupts et dont les dynamiques sont pratiquement bloquées.
- le haut Salat. La disposition des paysages dans la haute vallée du Salat est similaire à celle de la vallée du Lez. Dans la partie aval, autour du bassin d'Oust, on trouve des paysages agro-pastoraux bien entretenus, de bocages et prairies, l'habitat y étant plus dispersé. L'enfrichement et le reboisement y sont cependant très rapides par endroits.
La haute vallée, au-delà de Seix, très encaissée, dominée par le massif du Valier, présente par contre un paysage d'abandon, de forêts de hêtre et de friches anciennes. Comme dans le Biros voisin, les hauts pâturages sont élevés, raides et très stables. La haute vallée constitue un des sites de l'Ariège les plus exposés à la torrentialité, en particulier Couflens et Salau.
- les vallés du Garbet et d'Ustou. Ces vallées affluentes du haut-Salat s'individualisent par une disposition en ombrée-soulane bien marquée. Quelques beaux terroirs subsistent encore, mais la dynamique forestière est puissante dans ces vallées très humides, élevées et dominées par la barrière des massifs de Bassiès et du Certescans. La hêtraie est omniprésente, avec des sapinières. Au niveau d'Aulus apparaissent les quelques rares éléments du "paysage touristique" du Couserans: la station thermale du XIX° siècle dans la vallée, et la station de ski de Guzet en montagne.
- le Massatois. La vallée de l'Arac, adossée au massif de l'Arize, présente dans sa partie aval des paysages de grands bassins où s'encaisse la rivière, parsemés d'une multitude de hameaux et d'habitations dispersées. Cette vallée était autrefois une des plus peuplées de l'Ariège, mais l'enfrichement et même les reboisements artificiels y ont été massifs depuis une cinquantaine d'années. Cette dynamique de l'enfrichement est encore plus accentuée dans la haute vallée, dominée par le massif des Trois Seigneurs, aux versant abrupts, et elle touche aussi les parties basses des estives.
- le pays de Foix. La cluse de l'Ariège à Foix est une belle "porte" de l'Ariège montagnarde. On passe directement de la plaine et des collines à un paysage dominé par les massifs nord-pyrénéens de l'Arize et de Tabe. Entre le Plantaurel et ces massifs s'étendent des bassins largement ouverts et une ample vallée fluviale. La dynamique contemporaine principale est ici celle impulsée par l'agglomération de Foix : extension pavillonnaire autour des villages, notamment en Barguilière, urbanisation de la vallée de l'Ariège. Toits de tuile, maisons massives : l'architecture est fondamentalement différente de celle du Couserans et se rattache au Languedoc et au Terrefort. Le paysage rural est relativement stable dans les bvassins mais l'enfrichement est rapide sur les pentes et les hautes vallons.
- le Tarasconnais. Plus en amont, on rentre dans une région aux traits paysagers originaux. Les larges bassins intérieurs du Tarasconnais, sont bien abrités et leur ambiance sèche et lumineuse contraste avec l'humidité de l'avant chaîne. En outre, les falaises et masses calcaires des Quiés accentuent la luminosité et les effets d'abris, impriment une note rocheuses permanente dans le paysage. Les villages sont ici groupés, d'une architecture massive ; l'extension pavillonnaire est notable dans la vallée, peu développée dans les autres villages. Le Tarasconnais fut autrefois un des coeurs de la métallurgie à la catalane et a conservé des hauts fourneaux jusque dans les années 1930 ; le paysage industriel est aujourd'hui celui de la métallurgie de l'aluminium, vouée à une disparition prochaine. Si le paysage rural est assez bien maintenu dans les fonds de bassin, l'enfrichement se manifeste très vite sur les pentes, où la végétation buissonnante prend une forme originale, presque méditerranéenne. Les plantations récentes d'acacias constituent également un caractère spécifique de la vallée, très fort pendant la floraison de mai.
- l'abondance des sources a amené à individualiser un ensemble paysager un peu particulier : les pâturages du col de Port et du Prat d'Albis. Leur intérêt est d'être repésentatifs de très vastes surfaces pastorales répandues dans toutes les Pyrénées : les landes à fougère et genêt, paysage caractéristique des soulanes, homogène sur des milliers d'hectares. Ces landes autrefois très pâturées sont aujourd'hui bien moins exploitées mais restent assez stables.. Elles sont gérées selon le mode traditionnel de la mise à feu et parfois par des améliorations pastorales régulières. C'est aussi un paysage de l'enfrichement récent, sur les anciennes cultures de soulane, qui est l'objet d'opérations de réouverture et d'entretien.
- le Vicdessos. C'est une région trés spécifique de la haute montagne ariégeoise, une vallée profonde enserrée entre les massifs de l'Aston, des Trois Seigneurs, et la chaîne centrale culminant à plus de 3000 m. L'abandon des terroirs et l'enfrichement sont très prononcés : le Vicdessos, autrefois pratiquement déboisé par le charbonnage et le pastoralisme, présente aujourd'hui un aspect verdoyant. Les villages, bien groupés et massifs, sont désormais cernés par les landes et les bois. Cette revégétalisation ne touche guère les hautes vallées, qui restent largement déboisées, même à basse altitude. La dynamique végétale y est faible, sauf dans les secteurs qui ont été reboisés artificiellement. Outre l'héritage de la métallurgie, une des caractères du Vicdessos reste en effet l'impact des risques naturels, dont le niveau est élevé (avalanches, torrentialité) et se lit dans l'adaptation de l'architecture des hameaux de la vallée de l'Artigue. Les actions du service RTM depuis le siècle dernier (stabilisation de torrents, reboisements) ont profondément changé l'aspect des versants. Le bassin d'Auzat est également caractérisé par l'industrie de l'aluminium, une des plus ancienne des Pyrénées et qui devrait prochainement disparaître.
- le val d'Ariège : la soulane du Tabe. Entre Tarascon et Ax-les-Thermes, on rentre dans une partie du val d'Ariège aux versants très contrastés. La soulane, dominée par le massif de Tabe, est pratiquement déboisée. Deux niveaux de villages s'y succèdent : dans la vallée, au pied des quiés calcaires, une série de village profitant de la dynamique impulsée par l'axe de la RN 20 et l'activité des Talcs de Luzenac. Sur la corniche, vers 900 m, des petits villages très anciens mais aujourd'hui pratiquement dépeuplés. L'abandon est massif sur tout le versant, les zones agricoles entretenues se limitant aux terroirs de replats. Pourtant, la relative sécheresse du milieu et l'impact du feu stabilisent les dynamiques d'enfrichement sur un versant qui n'a probablement pas beaucoup changé depuis le haut Moyen Age.
- le val d'Ariège : l'ombrée et le massif de l'Aston. L'ombrée présente un contraste absolu avec la soulane du Tabe : c'est un massif aux versants très boisés, aux sommets arrondis couverts de vastes pâturages, entaillé de profondes vallées, pratiquement sans villages sauf dans la vallée de l'Ariège. Ancien domaine métallurgique voué au pastoralisme à partir du XVIII° siècle, le massif a connu un déboisement prononcé auquel a succédé à la fin du XIX° siècle un enfrichement de tous les bas-versants, et depuis quelques décennies un reboisement spontané très rapide en altitude, notamment avec la colonisation du pin à crochets. Autant les dynamiques semblent figées sur le Tabe, autant elles sont rapides et multiformes sur l'Aston.
Les deux versants du val d'Ariège présentent une caractéristique commune : un fort impact historique de la torrentialité, dont les deux sites les plus fameux sont Verdun et le Castelet.
- vallées d'Ax-les-Thermes. La région d'Ax représente une étape paysagère avant l'entrée dans la chaîne centrale, dernier noyau encore bien peuplé. L'enfrichement, qui a été très rapide depuis une quarantaine d'années, marque profondément le paysage, avec des forêts denses de sapins et de hêtres. Ax constitue le pôle touristique du val d'Ariège, autour de la station thermale et de la station de ski de Bonascre, provoquant une urbanisation modérée et assez centrée.
- pays d'Aillou. Au-delà du Tabe et du col de Chioula, la petite partie ariégeoise des hauts plateaux calcaires du Pays de Sault montre une dynamique spécifique. Les activités agricoles sont désormais limitées aux bassins karstiques et les grandes forêts de résineux ont tendance à recoloniser les versants. Cependant, la sècheresse du milieux fige les dynamiques d'enfrichement sur les anciens terroirs de terrasse.
- haute Ariège. en amont d'Ax; les gorges boisées de l'Ariège forment un seuil paysager que l'on franchit pour arriver dans la haute vallée. L'ambiance est ici très montagnarde : massifs rocheux élevés, pentes abruptes, peu de forêts, habitat restreint. Les risques naturels ont un fort impact : l'Hospitalet est un des sites les plus avalancheux des Pyrénées et la torrentialité est forte dans toute la haute vallée, ce qui a conduit à des reboisements et des corrections de torrents. L'abandon des rares terroirs est presque total, et la recolonisation forestière des versants est nette, quoique lente. La dynamique contemporaine la plus spectaculaire reste liée aux équipements récents : hydro-électricité, aménagement de la route et du tunnel du Puymorens.
- le Donezan. Isolé dans la haute vallée de l'Aude, le canton du Donezan a connu un très fort exode rural et une quasi-disparition des activités agro-pastorales. Le paysage dominant est désormais celui de la forêt, de hêtre, de sapin et de pin, la dynamique du XX° siècle ayant été massive à tous les niveaux et se poursuivant aujourd'hui.