GUANGDONG

Province du Guangdong

1.  Canton - La rivière des Perles

Arrivée à Canton dans l'après-midi (voir le plan du dépliant). Après installation à l'hôtel Tungfang, nous nous divisons en deux groupes. Les uns, avec le car, vont voir les pandas au zoo. Les autres, dont je suis, partent à pied de l'hôtel vers la rivière des Perles en suivant la rue Chiefang bordée de toutes sortes de commerces et d'ateliers d'artisans. Etalages de nourritures "exotiques". Enfants faisant leurs devoirs devant la porte. Foule dense.

2.  Discussion avec deux responsables de l'Association des Femmes

Le soir, dans un salon de l'hôtel, avec Mme Hou et Mme Chu, de l'Association des Femmes de la Municipalité de Canton. Compte rendu :
La Constitution de la R.P.C. proclame l'égalité entre l'homme et la femme. Il en est de même dans la vie réelle : droit égal de participer au travail manuel ; répartition des tâches ménagères ; hommes s'occupant des enfants ; congés de maternité, crèches, jardins d'enfants pour soulager les mères.
Autrefois la femme subissait quatre dominations : politique, économique, religieuse, maritale. (Ex. d'une fille mariée avec un jeune homme mort et qui devait rester avec sa statuette toute sa vie.) C'est pourquoi, après la Libération, les femmes font tous leurs efforts pour contribuer à l'édification du socialisme qui apporte leur libération. Nous sommes à la veille de l'ouverture du 4e Congrès national des Femmes. Le thème sera : comment les femmes vont-elles contribuer à réaliser les Quatre Modernisations ?
Proportions de femmes :

  • 37% des députés de l'A.P.N.
  • 29% des membres du parti dans la municipalité de Canton
  • 50% des membres de la Ligue de la Jeunesse
  • 60% des travailleurs pédagogiques et sanitaires.

La mauvaise idéologie existe encore car la Libération ne date que de 30 ans. Et il subsiste des traces de "considération pour les hommes, mépris pour les femmes". Pas seulement parmi les hommes, mais aussi parmi les femmes. C'est pourquoi nous avons une tâche militante à accomplir. A tous les échelons il y a des organisations qui s'occupent de la question féminine : par exemple dans l'usine, dans l'arrondissement, au niveau de la municipalité. Il y a des comités de conciliation des affaires familiales. Par exemple si une femme est maltraitée il faut mener une tâche d'éducation auprès du mari. Il faut aussi éduquer les femmes dans le marxisme et la pensée Mao Tsétoung. Qu'elles voient plus loin que leur nez, qu'elles participent au travail productif. On porte une grande attention aux questions du ravitaillement, des cantines, des crèches, des jardins d'enfants pour que les femmes s'occupent des affaires collectives et pas seulement de leur petite famille.
Les femmes de tous âges participent au travail de l'Association. Dans notre bureau, il y a des jeunes de 22 ans et une femme vétéran de Yenan. L'épouse de Chou Enlai et celle de Chu Teh ont été des précurseurs en ce domaine.
Le divorce est autorisé par la loi. La charge des enfants est partagée. Si un des deux divorcés refuse, l'Association des Femmes intervient pour l'éduquer. Et en cas d'échec l'affaire passe devant le tribunal.
Les mères célibataires et les enfants hors mariage sont des cas très rares. Cela existe : alors la mère et l'enfant bénéficient d'une protection particulière ; l'éducation de l'enfant est la même. Si un enfant est abandonné il est recueilli par une institution de l'Etat. Il pourra être adopté par un couple sans enfant. Le viol existe aussi en Chine. Il y a des éléments malfaisants qui commettent des crimes, des viols. Les victimes n'osent pas se plaindre par pudeur. Si la famille le découvre, elle porte plainte. Si le coupable est un travailleur, on essaie de l'éduquer ; la sanction, c'est la critique. Si c'est un ennemi de classe, il passe en justice et va en prison.
Qu'est-ce qu'un ennemi de classe ?
Les anciens propriétaires fonciers, paysans riches, contre-révolutionnaires, les saboteurs, les conspirateurs, les arrivistes comme Lin Biao, Liu Shaochi, etc.
"De chacun ses capacités, à chacun son travail." Les grand-mères doivent s'occuper des enfants ; les grands-pères aussi. L'interprète dit : "Mon père est à la retraite depuis deux ans ; il s'occupe de mes deux enfants."

3.  La route vers Shashiao  (8 septembre)

Le matin à Canton, pluie torrentielle. Puis vient le beau temps ensoleillé. A la commune de Shashiao (40 km) il n'a pas plu.
Long trajet en car à travers la campagne. Route encombrée de vélos, camions, motoculteurs traînant des remorques, charrettes à bras. Quadrillage de canaux. Rizières. Buffles surveillés broutant sur les diguettes. Latrines au bord de la route, presque "à tout bout de champ". Epandage d'engrais à la louche. Prises d'eau pour irrigation. Aire à battre sur un terrain de basket.


4. La commune populaire de Shashiao
(Voir René Dumont, Chine, la révolution culturale, Seuil, 1976, p.71-79)

De la route asphaltée part un chemin de terre bosselé et troué vers le siège du comité révolutionnaire de la commune. De part et d'autre, des mûriers.
Au siège du comité, la salle de réception est ornée des portraits de Mao et de Hua, d'un plan de la commune, de photos et de productions diverses dans des bocaux. Je note ici la présentation générale augmentée des réponses aux questions posées à ma table pendant le repas pris dans la commune à la fin de la visite.
Population 72000 personnes ; 45000 travailleurs en 25 brigades et 311 équipes correspondant aux petits villages.
Terres cultivées             68 000 mous
dont   35 000 en étangs
15 000 en canne à sucre
10 000 en mûrier
3 000 en lopins individuels
600 en riz
Situation favorable : terres fertiles du delta de la Rivière des Perles ; climat subtropical : on peut cultiver pendant les quatre saisons
Dans notre région par exemple, sur la même terre, on fait dans l'année une récolte de blé et deux récoltes de riz. Parfois trois récoltes de riz, à titre d'essai. Malgré ces conditions favorables, avant la Libération, du fait de l'exploitation des propriétaires fonciers, les résultats n'étaient pas bons. Les réseaux hydrauliques étaient mal entretenus, les techniques de culture arriérées. Après la Libération et surtout depuis la création de la commune populaire, les avantages sont considérables, les travaux hydrauliques se sont développés, ainsi que la recherche scientifique.
La production s'est élevée
production de cocon avant 1949 : 17 kg/mou de mûrier ; en 1977 : 138 kg/mou soit 2070 kg/ha (Dumont en 1975 : 1900 kg/ha)
canne à sucre avant 1949 : 5400 livres/mou ; en 1977 : 13000 livres/mou, soit 97500 kg/ha (Dumont en 1975 : 82500 kg/ha)
poisson avant 1949 : 65 kg/mou d'étang ; en 1977 : 190 kg/mou (400 types de poisson)
Le riz est peu cultivé. Les cultures principales de la commune sont le mûrier et la canne à sucre. Le riz ne suffit pas aux besoins.
Engrais    60% organiques   40% chimiques
Parcelles individuelles : 3000 mous. On y fait légumes, arachides, fourrage pour les porcs (feuilles de patate douce).
La commune élève 45 000 porcs, un par travailleur. L'élevage des porcs est soit individuel, soit collectif. L'élevage des volailles est individuel.
La pêche individuelle se pratique sur les rivières les jours de congé. Les étangs sont collectifs. On pêche à la nasse dans les étangs. A la ligne et au filet lancé dans la rivière.
« Les carpes herbivores sont nourries en étangs, un peu comme des cochons dans une porcherie, avec des herbes que l'on allait autrefois chercher plus ou moins loin. On cultive désormais pour cela l'herbe à éléphant (pennisetum purpureum) sur les pentes des routes, des talus, etc. aux abords des étangs, sur une surface de 200 ha. Elle est coupée cinq fois l'an et donne de très gros rendements : c'est la championne du monde des cultures fourragères. De sorte que la production de poisson atteint 5730 t, soit 2800 kg/ha ; ils sont vendus 0,4 yuan la livre (1,92 Fr le kg). On livre chaque jour aux organismes d'Etat une moyenne de 15 t de poisson, mais cette quantité peut varier de 5 à 50 t. Cependant 15% des poissons péchés sont réservés pour la consommation locale, chaque habitant pouvant en acheter 3 livres par mois, au même prix que l'Etat.
      Les hommes les pèchent cinq fois par an au filet, ne prenant que les plus grosses carpes, celles qui dépassent le kg, rejetant les autres. Ces poissons fournissent la plus grosse recette de la commune, 4,4 millions de yuans en 1974 ; et l'on compte en moyenne 1050 jours-travail par hectare d'étang et par an ! Les vases de ces étangs fertilisent le mûrier et la canne à sucre. Les hauts de tige de canne et les chrysalides de vers à soie sont donnés aux poissons, d'où une spirale ascendante de la production."  (René Dumont, Chine, la révolution culturale)

Anciens propriétaires fonciers : il y en a ; ils sont vieux. Ils travaillent et ils sont rémunérés comme les autres. Ils ont un lopin individuel. Certains habitent leurs anciennes maisons, d'autres non.

Les cadres participent au travail productif.
100 à 200 jours à l'échelon de la commune
200 à 300 jours à l'échelon de la brigade
comme tout le monde à l'échelon de l'équipe

Le niveau de vie s'améliore et le changement est considérable par rapport à la période d'avant la Libération. La commune connaît le bien-être. L'éducation secondaire du 1er cycle est généralisée. Le système mutuel de soins médicaux permet d'être soigné gratuitement moyennant une cotisation de 3 mao par mois. Chaque brigade, chaque équipe ont crèche et jardin d'enfants. Les vieillards mènent une vie heureuse.

L'avenir. Ce que nous avons fait, c'est en s'appuyant sur le principe "compter sur notre propre force" et grâce à la direction du P.C.C. Il reste beaucoup à faire.
Après sérieuse discussion avec les membres de la commune, nous avons établi un programme de dix ans pour la construction de base, l'amélioration des terres cultivées. L'exécution est commencée. Les membres veulent réaliser le plan en huit ans. Les terres déjà aménagées régulièrement (8000 mous) apparaissent sur le plan mural de la commune

Visite : du mûrier à la soie
Les feuilles de mûrier sont cueillies pendant 9 mois par an. Elles repoussent en un mois.


A l'usine, au dévidage, les ouvrières ont un siège roulant, avec commande au pied.


Ateliers
"On compte en outre une quinzaine d'ateliers et fermes au niveau de la commune. D'abord la fabrique de bateaux : la commune compte 5600 petites jonques, dont la majorité, qui portent une demi-tonne, vaut 150 yuans ; et 400 bateaux dépassant 5 tonneaux, dont 35 sont motorisés. Puis viennent briqueterie, verrerie, laminoir, moulin à huile, atelier chimique, outillage d'imprimerie. Des feuilles et des excréments des vers à soie on extrait des médicaments ; un chantier produit des éléments préfabriqués, servant à la construction ; une ferme fait l'alevinage ; une autre produit les graines de ver à soie ; il y a enfin une station de recherche scientifique. La commune y emploie 1800 ouvriers et employés, payés de 33 à 55 yuans par mois.
En y ajoutant les entreprises des brigades, qui occupent 1200 travailleurs, la recette de ces industries - au sens large du terme - atteint 4 millions de yuans, le quart des recettes globales de la commune (moins en valeur ajoutée), pour moins du dixième de la main-d’œuvre." (René Dumont)


Excellent repas à la commune populaire. Dominent les poissons, de différentes variétés et sous différentes préparations.

Peu après avoir quitté la commune, trois photos prises du car

 

5.  L'usine de poterie des arts artisanaux à Chewan (près de Foshan)

Chewan, 23 000 habitants, est spécialisée dans la poterie : il y en a 14 fabriques.
Cette activité date de 7 siècles. L'usine est née en 1952 de la fusion de 30 petites fabriques privées ; en 1958 elle est devenue entreprise d'Etat.
Effectif : 580 dont 65% de femmes
Formation : diplôme de l'école secondaire, 3 ans d'apprentissage sur place
Salaire minimum 36 yuans - maximum 103 - moyen 56
Production : 1 800 000 pièces en 1977 - quatre variétés : personnages, animaux, miniatures, ustensiles - Inspiration traditionnelle et moderne - Matière première locale
Exportation : 65% de la production, surtout vers le sud-est asiatique
Processus de fabrication :
1. dessin
2. moulage en plâtre
3. révision
4. décoration : -C 31 et 33
5. émaillage
6. cuisson

6. Le temple taoïste de Foshan

Foshan, 240 000 habitants, est une ville renommée de l'histoire chinoise. Le temple des Ancêtres a été construit sous la dynastie des Song, incendié sous les Yuan, reconstruit sous les Ming il y a 600 ans. Il est aujourd'hui un musée municipal. « On y faisait la prière au pied d'un Empereur imaginaire, spécialiste céleste de la pluie. Maintenant on ne vient plus prier ; on se consacre collectivement aux travaux hydrauliques. L'empereur en question a pris sa retraite. »
Dans son Rapport sur l'enquête menée dans le Hunan à propos du mouvement paysan, en I927 Mao Tsétoung écrivait :
"Et les dieux ? Vénérez-les tant que vous voudrez. Mais si vous n'aviez que le dieu Kouan et la déesse de la Miséricorde et pas d'unions paysannes, auriez-vous pu renverser les despotes locaux et les mauvais hobereaux ? Ce sont des dieux et des déesses bien piètres. Vous les avez vénérés pendant des siècles, mais aucun d'eux, pour vous être agréable, n'a jamais renversé un seul despote local, un seul mauvais hobereau ! Maintenant vous voulez qu'on vous réduise les fermages. Permettez-moi de vous poser une question : comment comptez-vous y parvenir ? En croyant aux dieux ou en croyant dans les unions paysannes ?"

7. Retour de Foshan. Magasin de l'Amitié de Canton

Peu de choses au magasin. Mais Danielle et quelques autres, accompagnées de Wang, sont allées en ville et ont réussi à acheter des blouses recherchées depuis le début du voyage, (voir Diapo Guangxi 26, 27)

 

8. Le repas d'adieux

Au restaurant Beiyuan, près du parc Yuehsin (voir le menu). En compagnie des deux responsables de l'Association des Femmes. Très bon repas et force "kampé" (mais on n'est pas obligé de vider son verre) pour les adieux.
Déambulation, discussion, rafraîchissements dans le jardin intérieur de l'hôtel

9. De Canton à la frontière  (9 septembre)

A la gare :
-C 34 et 35 nos deux accompagnateurs : Wang Yakié, et Liou Mancheng
-C 37 le groupe (incomplet)

 

Un article du Monde à propos du 2e anniversaire de la mort de Mao Tsétoung (9 septembre 1976), article lu un peu plus tard, dans l’avion du retour vers Paris, évoque trois poèmes inédits publiés dans la revue Littérature chinoise. Voici le texte de l'un d'eux :

Lecture de l'Histoire

L'homme tira sa révérence au singe.
Il ne fit que polir des pierres,
Et ce fut son enfance.
Le bronze et le fer jaillirent des fours,
Devine combien de temps il fallut pour cela ?
Quelques milliers d'étés et d'hivers seulement.
Dans le monde des hommes, le sourire devint rare.
Les arcs se tendirent sur les champs de bataille,
Et le sang coula à flots
A travers la prairie.

Ce chapitre lu, mes cheveux ont blanchi.
Je n'ai retenu ça et là que des mots épars,
Et des lignes de ce passé.
Les faits légendaires des Cinq Souverains et des Trois Empereurs
Ont trompé d'innombrables passants de ce monde.
Combien peut-on compter d'hommes vraiment grands ?
Tche le brigand et Tchouang le preux nous ont laissé leur nom ;
Puis le roi Tchen a surgi en brandissant sa pique de bronze.
Ce chant n'est pas fini
Que déjà l'Orient blanchit.
1964