SHANGHAI

Voir le plan de Shanghai dans Travel guide et la pochette documentaire (plan, notice, cartes postales) remise à l'arrivée en ville.

1. Arrivée et installation à l'hôtel Shanghai
L'avion approche de Shanghai. Canaux en tous sens, se recoupant, train de péniches... Le Yangzi est beaucoup plus large que le Huang He. C'est une énorme masse liquide d'un rouge brique clair. Il fait des méandres, enserre une île. Au sud, lignes de hauteurs et collines isolées dans un paysage où l'eau est partout. Les villages s'alignent le long des canaux

.
Nous atteignons la banlieue de Shanghai : industries, habitat plus dense, villages plus tassés, cultures maraîchères, bateaux larges à fond plat sur les canaux ; nous apercevons des paysans au travail.
Il fait 31°C lorsque nous nous posons, avant midi. Le vol a duré une heure environ. Mlle Fou et Mlle Tchang, nos interprètes, nous accueillent à Shanghai. La première est volubile et vêtue à la dernière mode ; la seconde est plus réservée et habillée de façon plus ordinaire. Toutes deux sont en jupe.


Mlle Fou et Mlle Tchang

Nous traversons la ville dans le sens ouest-est. Beaucoup plus que Pékin, Shanghai "fait ville". Vers le centre, l'influence occidentale est de plus en plus nette. A un moment, nous suivons une rue qui marquait autrefois la limite entre deux concessions étrangères (frontière aussi pour l'électricité : 110 volts d'un côté, 220 de l'autre). Grandes rues commerçantes du centre, puis le Bund le long du Huangpu. Pont métallique sur la rivière Suzhou et, au bout du pont, l'hôtel Shanghai (Shanghai Mansions), construction à la fois haute et trapue, sombre, au confluent de la Suzhou et du Huangpu. Ici nous logeons en pleine ville. L'hôtel avait été construit par des Anglais avant 1939 et utilisé par les Japonais (très méchants, dit Mlle Fou) pour interner les ressortissants anglais et américains pendant la Deuxième Guerre mondiale. Somptueuse chambre, grand salon... Pas d'air conditionné, mais cela ne me gêne pas. Ce n'est pas comme un groupe précédent qui, arrivé devant l'hôtel et apprenant qu'il n'y avait pas l'air conditionné, refusa de s'installer. Il fallut parlementer des heures. Notre petite interprète Tchang, qui en avait la charge, finit par leur dire : "Eh bien, si vous ne voulez pas descendre, restez dans le car !" Finalement, ils sont descendus.


Wang nous propose d'y descendre à 6 h I5 le matin. Danielle y descend un jour. Séance de gymnastique. Wang demande à un Chinois de montrer ce qu'il faut faire. Il le fait de façon toute naturelle. Foule curieuse.

2. Le jardin de la Joie et le temple du Bouddha de jade
Au pavillon de thé du jardin de la Joie, nous nous reposons et Mlle Fou dit un mot du jardin et des bâtiments d'agrément, construits par un gouverneur du XVIe siècle pour l'heureuse vieillesse de ses parents. Au XIXe siècle, l'endroit servit de quartier général pour les rebelles de la Société des Poignards, dont le mouvement appuya celui des Taiping, mais fut écrasé.

A pied nous rejoignons le car resté en stationnement sur une grande artère. Petites rues bordées de maisons basses et de petits ateliers. Les gens vivent dans la rue : se reposent, jouent aux cartes ou aux échecs, lisent, lavent et étendent du linge ; les enfants étudient, font des additions ; on baigne des bébés


Puis visite du temple du Bouddha de jade, encore en activité.

3. Le Roi des Singes et la Sorcière au Squelette
Spectacle de marionnettes d'après le thème du Pèlerinage vers l'ouest. Je connaissais déjà la bande dessinée et sa version française (* Diapo n° 22bis). Remarquable réalisation technique du spectacle de marionnettes avec fumées, éclairages, systèmes de fils invisibles de la scène vers le plafond de la salle pour l'arrivée spectaculaire ou la fuite de personnages ; à la fin, intervention d'un acteur grimé en Roi des Singes puisque celui-ci a le pouvoir magique de grandir, de se démultiplier, etc. (Voir article dans Aujourd'hui la Chine, décembre I978.) Lors de sa création, la pièce aurait visé l'Union soviétique qui cachait soigneusement son vrai visage. Mao Tsétoung écrivit un poème en novembre 1961 après avoir vu le spectacle.
Puis la pièce aurait été interdite par les Quatre. Elle reparaît aujourd'hui avec un nouveau sens politique. La Sorcière au Squelette est bien entendu Jiang Qing, finalement démasquée.

Réponse au camarade Guo Moruo

Vents et tonnerre droit au-dessus de la Terre.
D'un tas d'os blanchis nait un esprit immonde.
Si le moine est simplet, on peut cependant l'éduquer,
Mais le démon, pervers, ravagerait le monde.

Le Singe d'Or a brandi son bâton formidable,
II a nettoyé la Coupole de Jade de dix mille li de cendres.
Aujourd'hui, acclamons Sun le Grand Sage
Car de nouveau s'élève une brume sorcière.
(1961)

Dans la salle, très grande et pleine, quatre grandes inscriptions. Au-dessus de la scène : "Portons haut levé le grand drapeau du président Mao pour faire la longue marche dirigée par le président Hua". Au fond : "Unissez-vous dans la lutte pour réaliser les quatre modernisations dans l'édification socialiste du pays". A droite des spectateurs : "Pour réaliser les quatre modernisations il faut persister dans la lutte des classes et dans le mouvement de critique de la bande des Quatre". A gauche : "Réaliser les quatre modernisations, ce n'est pas seulement une tâche très importante dans le domaine économique, ça l'est aussi et surtout dans le domaine politique".

4. L'usine des générateurs (26 août)
Située à Minghan, en banlieue. C'est l'usine filmée par Joris Ivens. M. Lou, directeur, et M. Tsou, ingénieur, nous souhaitent la bienvenue.

1) Présentation de l'usine

L'usine des machines et des appareils électriques de Shanghai fabrique des turbogénérateurs et des moteurs à courant continu et alternatif. Elle emploie 8 300 ouvriers, dont 2 300 femmes. Les jeunes sont 3 000.
Superficie totale 930 000 m², dont 220 000 construits. 30 ateliers.
Avant 1949 l'usine était en ville ; 173 ouvriers y fabriquaient de petites dynamos et effectuaient de petites réparations. On l'a transférée ici à Minghan. La construction a commencé en 1951, a été achevée en 1952. Dès 1954 on a réussi à fabriquer des turbogénérateurs de 6 000 kw. En 1958 on a fabriqué des turbogénérateurs à double refroidissement intégré par eau, de 12 000 à 300 000 kw. Egalement des moteurs à courant continu et alternatif utilisés dans les laminoirs des aciéries, dans les stations de pompage (par exemple pour transférer l'eau du Yangzi vers le nord).
Le 1er mai 1961 le président Mao vint inspecter l'usine. Cela veut dire qu'elle jouait un rôle important dans les domaines économique et politique.

L'usine a été touchée par le sabotage de la bande des Quatre.  Mais nous  avons  fait depuis  de gros  efforts, et en 1977 nous avons accompli les normes avec deux mois d'avance. En 1978, la situation  est excellente. C'est dans notre usine que Joris Ivens a tourné un film.

2)  Visite de l'usine
Nous visitons successivement trois ateliers : celui des turbogénérateurs, celui des moteurs, celui des turbogénérateurs de 300 000 kw. Ce dernier est haut de 33 m (* Diapo n°31). On va construire un nouvel atelier pour des turbogénérateurs encore plus puissants.


Un peu partout, des panneaux invitent à rejoindre les travailleurs d'élite, à éviter les accidents (on décrit ceux qui ont eu lieu et on en analyse les causes).
Le but symbolique, c'est la porte Tian'anmen, dans la capitale. La route serpente à travers le pays (ex. franchissement du Yangzi sur le pont de Nanjing). En bas à droite, une  sorte de notation :

  • idéologie politique  100
  • accomplissement de la tâche  100
  • entretien de l'équipement   100
  • sécurité  100
  • bonne marche de l'équipe  100

Total : 500
La visite se termine à la cantine et dans les cuisines. Plats variés. Des enfants mangent avec leurs parents. On peut emporter son repas à l'atelier

 

3) Questions sur l'usine
Retour à la salle de réunion :
Q. Qui gère l'usine ? Comment les travailleurs sont-ils concrètement associés à la gestion ?
R. Le comité du parti dirige toutes les affaires de l'usine. Au niveau de l'atelier, il y a une cellule du parti ; au niveau du groupe de travail, il y a un groupe du parti. Sous le comité du parti, le directeur s'occupe des affaires administratives. Il a au-dessous de lui les chefs d'ateliers et les départements de planification, salaires, sécurité. II existe deux organisations des masses dont les responsables sont élus à tous niveaux (groupe, atelier, usine) : le syndicat et la ligue de la jeunesse communiste.
Q. Comment devient-on ouvrier, technicien, cadre ?
R. Les jeunes qui ont terminé leurs études secondaires deviennent ouvriers de deux  façons :
- entrée en apprentissage dans un atelier avec un ouvrier vétéran ; au bout de deux à trois ans selon la difficulté ils deviennent ouvriers ;
- passage par l'école professionnelle gérée par l'usine ; cela dure deux ou trois ans selon le type de travail ; à la sortie de l'école, le jeune ouvrier prend un poste.
Les techniciens viennent de l'Université. Les ouvriers vétérans qualifiés, capables de devenir techniciens peuvent aller à l'Université du 21 juillet gérée par l'usine et y rester trois ans ou plus. Ils deviennent techniciens ou ingénieurs.
Les cadres sont élus par les ouvriers ou viennent de l'école des cadres de Shanghai (département gestion des usines) ou bien ce sont des officiers de l'armée.
Q. Souhaiteriez-vous recruter des cadres ou des techniciens étrangers ?
R. Dans les premières années d'existence de l'usine nous avions des experts d'Europe de l'est qui nous ont aidés pour la construction de base. Ils sont restés de 1952 à 1956. En 1956 ils sont rentrés dans leur pays. Depuis nous n'avons pas de techniciens étrangers. A mon avis personnel il serait intéressant d'en avoir dans l'avenir. Parce que certains pays ont des points forts et il faut apprendre auprès d'eux. Cela favoriserait le développement de l'usine, ainsi que la compréhension mutuelle entre les pays. Nous aussi nous envoyons des techniciens dans certains pays étrangers.
Q. Les cadres participent-ils au travail manuel ?
R. Oui, par deux moyens. Tous les jeudis les cadres participent au travail manuel ; et un à deux mois dans l'année. En tout ça fait à peu près trois mois par an.
Q. L'usine choisit-elle ses clients et ses fournisseurs ?
R. Notre pays est socialiste. La production est décidée par l'Etat. La distribution aussi est fixée par l'Etat. Nous produisons selon les besoins de l'Etat. Ce qui est vendu à l'étranger, c'est aussi par l'intermédiaire de l'Etat (bureau des affaires du commerce d'Etat). Par exemple certains de nos moteurs ont été vendus en Tanzanie. D'autres produits sont destinés à l'intérieur de notre pays. L'usine ne choisit pas ses clients, ni ses fournisseurs. La fourniture se fait selon le plan d'Etat. L'usine demande ce dont elle a besoin et l'Etat lui destine ses fournitures.
Q. Que se passe-t-il lorsque le plan est dépassé ?
R. Cela fait apparaître un bénéfice supplémentaire. Le bénéfice va à l'Etat en totalité. Quand on a accompli les tâches de l'année, on commence celles de l'année suivante. Pour nous, celles de 1978 sont déjà achevées et nous avons commencé celles de 1979. Le prix des produits est fixé par l'Etat. Nous calculons le prix de revient, les salaires. S'il y a bénéfice, c'est la preuve d'une bonne gestion. Une partie de ce bénéfice reste à l'usine pour améliorer le bien-être des ouvriers et pour encourager ceux qui travaillent bien.
Q. Et si les normes ne sont pas atteintes ? Y a-t-il pénalisation ?
R. D'abord on analyse les causes. Si elles sont objectives (par exemple manque de matières premières, d'acier), ce n'est pas de notre faute. Si elles sont subjectives (si nous n'avons pas fait tous nos efforts), c'est grave ; nous faisons notre autocritique et nous recevons des critiques d'en-haut.
Normalement il ne doit pas y avoir de problème de stock. Si on fixe des normes pour nous, il y en a aussi pour les aciéries. Le département de distribution des matières premières fixe la date et la quantité à fournir.
Q. Sur les conditions de travail, les salaires ?
R. Nous travaillons 8 heures par jour, 6 jours par semaine.
Les femmes qui allaitent peuvent le faire deux fois dans la journée de travail. Les normes sont fixées dans chaque atelier. Il y a un personnel qui enquête auprès des ouvriers vétérans et qui fixe les normes moyennes. Il vérifie aussi les produits. En général il n'y a pas d'absences sans raison. Le taux de présence dépasse 90%. Mais il peut y avoir maladie ou problème familial.
Certains ouvriers occupent toujours le même poste, d'autres changent. Si l'usine en a besoin, un ouvrier peut aller dans une autre.
Il n'y a pas beaucoup d'accidents. Depuis quelques années il n'y a pas eu d'accidents graves. Quelques accidents légers aux mains ou aux pieds.
Il y a une hiérarchie des salaires, c'est un legs de l'ancienne société. Salaire minimum : 42 yuans ; maximum à la 8e catégorie : 123 ; moyen : 67.
Q. Pouvez-vous nous expliquer concrètement ce que signifie "sabotage par la bande des Quatre" ?
R. Il y a eu des troubles dans la production. Un des Quatre disait que tous les règlements étaient inutiles, oppresseurs et bourgeois. Un de ses disciples dans l'usine a voulu détruire la gestion de l'usine et en faire un modèle pour les autres. Il a beaucoup détruit dans les domaines administratif et technique. Il désorganisait ces départements en envoyant leurs techniciens et employés au travail dans les ateliers. Il a démantelé une base en construction pour distribuer ses ouvriers dans les autres ateliers. Un autre a détruit tous les documents sur l'utilisation des machines. Comment peut-on fonctionner sans gestion ? Sans direction ?
Q. Sur l'étude politique ...
R. Elle se fait en dehors des heures de travail, un soir par semaine pendant deux heures. Les textes étudiés sont soit les textes de base du marxisme-léninisme et de Mao Tsétoung, soit les documents sur la situation actuelle, par exemple le discours du président Hua à la 5e Assemblée populaire nationale.
Q. L'usine est-elle de type Taking ? et sinon comment y parvenir ?
R. Notre usine est assez bonne, mais pas de type Taking. Nous devons y arriver à la fin de cette année. Il nous faut critiquer à fond la bande des Quatre pour bien distinguer le faux du vrai et suivre la ligne de Mao Tsétoung.

5. Quartier de Minghan
Nous mangeons au restaurant à Minghan, non loin de l'usine.
* Diapo n° 40 à 42 le quartier vu de la terrasse du restaurant, rues, immeubles d'habitation, usines au fond.

1) La séance de discussion a lieu en fin d'après-midi, après les visites. Mais je la place ici pour commencer par la présentation générale du quartier. Les quartiers forment 10 arrondissements urbains ; les communes populaires forment 10 districts de banlieue, et l’ensemble la municipalité de Shanghai. Le comité révolutionnaire de l'arrondissement est élu. Le comité de quartier est formé de fonctionnaires de l'Etat, nommés (une vingtaine : directeur, vice-directeurs et employés de différentes branches. Il exerce le pouvoir de base de la municipalité).
Le quartier est divisé en îlots dans lesquels il n'y a pas de pouvoir administratif. Les responsables des îlots sont des éléments d'avant-garde élus, pour une bonne partie des ouvriers retraités ou d'anciennes ménagères.
Il y a dix quartiers comme Minghan à Shanghai. On les appelle aussi petites villes satellites. Minghan compte 80 000 habitants dont plus de 40 000 ouvriers productifs, 4 000 employés de magasins, enseignants, travailleurs médicaux, plus de 1 000 retraités et des enfants. On a aménagé ce quartier en 1958 lors du Grand-Bond. Il comprend deux parties : la partie industrielle avec une trentaine d'usines dont l'usine des générateurs, et la partie d'habitation, divisée en neuf îlots.
Il y a des magasins, des écoles (13 crèches et jardins d'enfants, 7 écoles primaires, 4 écoles secondaires), des parcs, des stades, un théâtre, une maison de la culture, un centre de loisirs, deux hôpitaux.
Les activités extrascolaires sont organisées par l'école. Au niveau de la municipalité de Shanghai il y a un Palais des enfants, et il y en a aussi au niveau de chaque arrondissement. Dans le quartier il y a des équipes artistiques amateurs et des cours de formation permanente dans les entreprises.
La milice existe dans les entreprises, les magasins, mais pas au niveau du quartier. Les ateliers d'anciennes ménagères sont une réponse aux demandes de la grande industrie. Les anciennes ménagères sont fières de prendre part à l'édification socialiste. Une minorité reste à la maison.

2) Les ateliers
Les ateliers travaillent en sous-traitance pour les usines de turbines, de chaudières, de générateurs, etc. Ils emploient d'anciennes ménagères et des ouvriers faibles physiquement.


3) Un logement
Décoré du portrait de Hua, de calendriers. Radio, télévision. Une femme de 45-50 ans (?) nous reçoit.
Famille de 7 personnes dont 5 enfants. 3 filles ont terminé leurs études secondaires et se sont installées à la campagne. Il reste une fille et un fils. Le couple garde en outre le fils de la fille aînée âgé de 16 mois. Ils disposent de trois pièces en bas et 2 en haut (petites).

  • Loyer     11,56 yuans par mois
  • Electricité plus de 2 yuans (à cause de la télévision)
  • Eau     plus de 2 yuans
  • ce qui fait près de 18 yuans
  • Nourriture par mois 115 yuans
  • Salaires mari et femme ensemble : plus de 230 yuans ; fils apprenti en 2e année : 18 yuans (après il en gagnera 36)

Le petit-fils va à la crèche de quartier (il pourrait aussi aller à celle de l'usine). Dans la ville de 80 000 habitants on compte 13 crèches, plus celles des usines. La femme travaille depuis son enfance, depuis plus de 30 ans. Elle a commencé dans le textile ; elle est venue de Shanghai en banlieue en 1949, elle s'est mariée en 1950. Elle a eu un enfant en 1951. En 1953 ont été construites les premières cités ouvrières. En 1959 on a tracé l'avenue n°1 de Minghan. Jusque là il n'y avait que quelques maisons paysannes. D'abord la famille a habité la cité ouvrière de l'usine des turbines, puis, lorsqu'elle s'est agrandie, elle a déménagé ici.
Avant la Libération, cela allait mal ; on travaillait 13 à 14 heures, comme des bêtes de somme. Les capitalistes ne pensaient qu'à exploiter les ouvriers. Aujourd'hui on a une grande sollicitude pour les ouvriers ; les ouvriers sont bien nourris, vêtus, ils ont même le luxe (télévision). Mari et femme s'entendent bien grâce à l'éducation idéologique. Les hommes participent aux travaux ménagers. On a des assurances pour la maladie, la vieillesse. A la retraite on touche 70% du salaire. Les hommes la prennent à 60 ans, les femmes intellectuelles à 55, les femmes manuelles à 50. On peut continuer à travailler après cet âge, mais on encourage à prendre la retraite pour profiter du bien-être.
L'usine est à 5 minutes de la maison à vélo. On travaille de 7 heures à 16 h 30 avec une coupure d'une heure et de 6 h 30 à 13 h 30 le samedi. (48 heures et demie par semaine) II y a sept jours de congés par an. On a aussi 56 jours de congés de maternité, 3 jours pour le mariage, et existent les congés de maladie.
Un autocar spécial de l'usine permet d'aller à Shanghai en 45 minutes. Mais on n'a pas souvent à y aller.
La famille a la télé depuis janvier I978. En noir et blanc elle coûte 488 yuans. En couleurs, c'est très cher. Dans l'immeuble ce n'est pas généralisé ; seulement deux familles l'ont sur une dizaine. Mais toutes les familles ont la radio. Les programmes : football, théâtre, spectacles divers, voyage du président Hua, nouvelles importantes, programmes pour enfants, surtout le dimanche et avant 18 heures. On donne aussi un enseignement par la télévision : langues étrangères, mathématiques, physique, médecine. La production des usines fabricant des postes de télé a beaucoup baissé à cause de la bande des Quatre. Maintenant c'est reparti ; et aussi on importe des postes de l'Europe et du Japon.
Le mari est membre du parti ; la femme non.
[Tout ce qui précède est la transcription de ce qu’on nous a dit.]

4) Le retour

6. Le restaurant Setchouan
Menu en chinois dans pochette Shanghai.
"Repas de gala" beaucoup plus sympathique qu'au Canard laqué. Au menu : crevettes, poissons, spaghetti, pastèque. Effets de décoration de certains plats.
Au retour, le car nous dépose sur l'avenue qui suit le Huangpu et nous rentrons à pied à l'hôtel en suivant le fleuve. En passant au magasin de l'Amitié, nous achetons du vin et du baume du tigre. (Une autre membre du groupe qui a voulu en acheter et ne savait pas comment dire a poussé un horrible rugissement sous le nez du vendeur ; ça l'a terrifié, mais il n'a pas compris.)

7. Promenade en ville et achats (dimanche 27 août, matinée)
La matinée est "libre". Promenade en ville et achats rue de Nankin. Nous contournons le Parc du Peuple et revenons par le quai du Huangpu.
* Diapo n° 50 rue de Nankin
* Diapo n° 51 un magasin, vitrine exaltant les Quatre Modernisations
Autre magasin remarquable : une pharmacie à double vitrine. Dans celle de gauche, l'affiche de propagande pour le planning familial (voir la pochette de diapositives, éditée par Diapofilm sur le thème des affiches chinoises) et des produits de contraception sur les étagères. Dans la vitrine de droite, une affiche montrant une opération pratiquée par Norman Béthune ; autour, divers produits pharmaceutiques.
Et une grande librairie avec les rayons de bandes dessinées, de livres pour enfants, de posters, de livres techniques. Partout beaucoup de monde. Nous achetons quelques affiches, notamment celle qu'on voit partout : Mao Tsétoung et Chu Teh accueillant avec des fleurs Chou Enlai retour de Bandoung.
Sur tous les murs, des affiches en faveur de l'étude :

8. Promenade en bateau vers le Yangzi (après-midi)
Deux ou trois groupes de touristes occidentaux, très bien soignés, sur un bateau, descendent le Huangpu vers l'immense Yangzi. Forte densité de bateaux près de Shanghai, puis ils sont plus   espacés. Usines. Zone militaire dans laquelle il est interdit de photographier, et cela jusqu'au confluent.

9. Les acrobates (soirée)
Grande variété du spectacle. Intermèdes comiques.

10. L'Institut des langues étrangères (lundi 28 août, matinée)
Nous sommes accueillis à la section française par le doyen de la Faculté "Allemand-Français" qui  nous fait une présentation générale en chinois (traduction). Puis nous pouvons nous entretenir par petits groupes avec de jeunes professeurs de la section française, donc en français. Dans mon groupe, ils sont cinq, quatre fils d'ouvriers et une fille d'employés. Certains professeurs ont vécu à Paris, au Canada, en Algérie. Il n'y a pas encore d'élèves ; la rentrée n'aura lieu que dans quelques   jours.

Les sections
L'Institut compte 1600 élèves en 11 sections. Fondé en 1949, il ne comprenait alors que la section de russe. Depuis 1956, les sections se sont multipliées : anglais, allemand, français, japonais, espagnol, arabe, albanais, italien, grec, portugais. Bientôt on enseignera le coréen. A l'Institut de Pékin, on enseigne davantage de langues.

L'influence néfaste de la bande des Quatre [il s’agit toujours de ce qu’on nous dit]
A l'époque où elle faisait la loi, l'Institut a été plus ou moins influencé. Sous les Quatre, les  professeurs ne pouvaient pas bien enseigner et les élèves pas bien apprendre. Seule la politique était   favorisée, les autres études étaient abandonnées. C'était beaucoup de paroles en l'air et  pas  d'action concrète. Leur but était de jeter le trouble pour usurper le pouvoir dans le pays.  Parmi  les  étudiants  de  l'Institut, il n'y avait pas véritablement de disciple des Quatre, mais ils n'osaient pas étudier.
Les Quatre ont tenu aussi longtemps parce qu'ils ont utilisé la pensée de Mao Tsétoung comme masque ; ils lançaient des mots d'ordre gauchistes pour tromper sur leur vraie nature. Mao Tsétoung les avait déjà condamnés. Mais ils détenaient une partie du pouvoir assez importante.
A la chute des Quatre, le président Hua a appelé à réformer le système d'enseignement. Les élèves  arrivant du secondaire avaient une base insuffisante en chinois, histoire-géographie, etc.  Actuellement les élèves entrés depuis la chute des Quatre ont passé un examen. Déjà, après une  année passée, on constate des  progrès.

Le recrutement
L'examen porte non seulement sur la politique mais sur le niveau général culturel et scientifique.
On a recruté cette année 550 élèves

  • dont section française   45
  • anglaise           200
  • allemande         45
  • japonaise          100
  • russe    20

Le recrutement se fait dans tout le pays, surtout dans la partie orientale.
Les élèves sont tous pensionnaires. Leur origine sociale : 60% fils de paysans et ouvriers, 40% fils de cadres, intellectuels, anciens patrons.

La scolarité, les cours
4 années
Heures de français :      1ere  année     16 h par semaine
2e année     14 h   
3e et 4e     12 h
Autres cours : chinois, théorie marxiste-léniniste, éducation physique. A partir de la 3e année, on apprend une deuxième langue.
A partir de la 2e année les cours de civilisation française se font en français. On enseigne surtout l'histoire et la littérature. L'histoire, principalement après la Révolution de 1789 mais on a une vue générale depuis les Gaulois. La littérature : avant la révolution culturelle, auteurs des XVIIIe et XIXe comme Hugo, Balzac, Zola, Rousseau, Flaubert, Maupassant ; aujourd'hui, des auteurs modernes comme Sartre, Eluard, Camus, Simone de Beauvoir, Malraux.
On reçoit les journaux suivants : sélection hebdomadaire du Monde, France-Soir, L'Humanité, L'Humanité rouge, Le Point, Le Nouvel Observateur, L'Express, Le Figaro, le journal de l'Alliance française, des journaux suisses, belges, algériens (Révolution africaine).

Le contrôle
Chaque semaine un contrôle en 1ère et 2e année. Chaque 4 à 5 semaines, un examen après révisions. A la fin du semestre, un examen. A la fin de l'année, un examen plus important. Il y a écrit et oral. C'est l'écrit le plus important. En cas d'échec, on peut passer à la 2e session avant la rentrée. Sinon c'est le redoublement, cas rare (1 ou 2 sur 100). En dehors de la classe existent des groupes de soutien pédagogique dans lesquels se trouvent des forts et des faibles.

Les débouchés
Soit enseignant ici, ou dans le secondaire, ou interprète, ou traducteur, ou dans les affaires étrangères. C'est en fonction des besoins de l'Etat. Les étudiants expriment leur désir en indiquant plusieurs choix.

Les enseignants
Les jeunes professeurs célibataires sont logés à l'Institut. Les mariés habitent chez eux. Logé, nourri, le traitement est de 45 yuans pour un jeune célibataire. C'est beaucoup parce que c'est presque tout de l'argent de poche. Les salaires sont en cours de relèvement. Le plus élevé est celui du doyen (130 yuans).
L'année se divise en :
8 mois de cours
1 mois pour les révisions des examens
1 mois de travail manuel
2 mois de vacances.
Pendant les vacances, on prépare les cours chez soi et on participe à l'accueil des touristes pour améliorer la pratique de la langue.
Etudiants et professeurs participent au travail manuel pendant un mois par an. Ils vont aider les  paysans et les ouvriers. La liaison avec l'enseignement est intéressante : il faut savoir comment les  choses s'appellent. Mais les Quatre avaient exagéré. Ils en faisaient une punition pour les  intellectuels et les vieux cadres. Même s'ils n'étaient pas en bonne santé. Certains ont ainsi  abandonné l'enseignement pendant des années.

Radio et télévision scolaires
L'école ne suffit pas pour répondre aux besoins. La radio donne des cours et on a distribué 100 000 manuels de français pour les auditeurs. C'est encore insuffisant. On a commencé à la télé. Pour réaliser les quatre Modernisations, la clé c'est l'enseignement.

11. L'usine de travail sur bois (après-midi)

Visite très rapide (car il faut ensuite aller au musée) de l'usine des objets d'art sculptural de Shanghai, sous la conduite de la responsable, Mlle Ko. Dans cette usine travaillent plus de 450 ouvriers, dont 220 femmes. On sculpte le bois " ginkgo biloba ", activité traditionnelle ayant une très longue histoire, déclinante en 1949 et relancée depuis. Les opérations comprennent trois étapes : la préparation de la matière première, la sculpture, la peinture.

Deux destinations des produits : l'utile et le décoratif. Deux aspects confondus dans les tables, malles, paravents. Pour sculpter une table, six artisans passent deux à trois mois. On exporte vers Hong Kong et vers l'Europe. Les ouvriers sont formés dans l'usine, par les vétérans, ou en ville dans une école spéciale de sculpture sur ginkgo biloba ; dans l'usine il y a aussi une école secondaire pour former les artisans.


12. Le musée archéologique de Shanghai
Vieux objets de très haute qualité artistique. Je remarque une peinture représentant une scène d'ancien football chinois.
Je fais des photos par la fenêtre, vers l'extérieur


Mlle Fou et Mlle Tchang nous conduisent à la gare où nous prenons le train de nuit vers Nanchang, capitale du Jiangxi